Sur trois figures du surnaturel dans l’art contemporain :
Le Chaman, la Sorcière et le Super-Héros
Julien Verhaeghe, docteur en Esthétique, critique et commissaire d’exposition
De nos jours, un grand nombre de pratiques artistiques s’appuie sur un imaginaire convoquant une idée du surnaturel. Parmi les figures qui reviennent le plus souvent, celle du chaman et de la sorcière : d’une part, de façon à ce que soient sollicités des motifs de l’ordre du rituel, du sacré et de la magie selon des intentions qui sont loin de n’être que purement plastiques. D’autre part, en se substituant aux traits mêmes de l’artiste, c’est-à-dire en assimilant l’acte de création à des croyances populaires, sinon ancestrales.
Face à cela, au moins deux questions peuvent être posées. En premier lieu, on peut se demander si l’art ne possède pas, en soi, une dimension éminemment magique que l’ère contemporaine ne serait nullement venue contredire, tandis que sorcières et chamans n’auraient fait que revenir à une lecture primordiale de l’art. En second lieu, sans doute est-il possible de s’interroger sur la portée transgressive ou revendicative de ces figures, dès lors que la sorcière est désormais perçue comme un symbole du féminisme, ou que le chaman, en tant que principe méditatif ou en tant qu’intercesseur entre l’homme et la Nature, se lit comme un ultime rempart face à un monde ayant perdu de sa substance.
Jusqu’où peut-on dire, en effet, que le surnaturel agit, dans l’art contemporain mais aussi dans un paysage culturel plus global, comme une manière de défaire des territoires déjà balisés ? Dans cette optique, l’évocation d’une troisième figure, celle du super-héros, se révèle particulièrement utile. Largement visible dans les pratiques artistiques contemporaines, elle renvoie surtout à une sorte de mainmise auprès des imaginaires et des représentations d’aujourd’hui. Reste à savoir, alors, s’il existe une spécificité propre au super-héros, laquelle permettrait d’identifier la place du surnaturel dans l’art contemporain selon d’autres atours, de la même façon que la résonance médiatique et culturelle du super-héros permettrait de mieux percevoir le caractère fondamental du surnaturel dans nos sociétés actuelles.