Olivier Marc, de l’élève à l’enseignant : parcours d’un architecte engagé

Article écrit par Manon Kalbez suite aux travaux de recherche menés à l'École Camondo

Publié par Manon Kalbez4 novembre 2021

Né en 1930 à Bihorel-les-Rouen (Seine Maritime), Olivier Marc est un produit du Centre d’Art et de Techniques. D’abord diplômé du C.A.T. en 1950, il passe ensuite de l’autre côté des bancs de l’école et intègre l’équipe pédagogique en 1965 comme chargé des cours d’Architecture et de Recherche expérimentale tridimensionnelle. Le C.A.T. semble lui avoir fourni l’enseignement qu’il n’a pas trouvé lors de son passage aux Beaux-Arts qu’il quitte vers 1950 pour « incompatibilité de doctrine ». Les divers stages en architecture, combinés à une formation à l’Ecole Supérieure du Génie (Maroc) le définisse comme architecte. De la réalisation de cubes destinés à la méditation, à la conception d’une maison de plaisance pliable, en passant par la création d’un canapé futuriste, dont la forme s’inspire de la position d’un épagneul faisant sa sieste,  ses projets sont variés et se distinguent par leur originalité. Ils traduisent toujours une volonté de remettre en cause les fondements traditionnels, un retour à l’essentiel, à l’ordre naturel.

Ill. 1 : DUMOULIN, M. C., « La sieste d’un épagneul a inspiré ce canapé futuriste », Coupure de presse, Source inconnue, 1973.

La conception de l’architecture d’Olivier Marc est engagée. Fervent contestataire de la période pré-1968, il prend en compte l’ordre social et intègre les questions sociologiques des années 1950-1960 à son métier d’architecte. C’est donc tout naturellement qu’il intègre en 1954, l’équipe de recherche de Vladimir Bodiansky avec lequel il participe à des projets d’urbanisme en Afrique dans le cadre de l’ATBAT-Afrique en 1954. Cette collaboration l’amène à faire converger créativité et nécessité d’adaptation aux contraintes inhérentes à l’espace donné, notamment les zones de bidonvilles du pays. L’importance que l’architecte attribue à l’urbanisme se confirme par des missions réalisées pour l’Institut d’Urbanisme de l’Université de Paris et ses très nombreux voyages d’études notamment au Japon, au Cambodge et à Hong-Kong ; pays dans lesquels il travaille en lien avec la Direction de l’Urbanisme et de l’Habitat situé à Phnom-Penh. De manière plus large, il travaille pour l’ATBAT-France (Atelier des Bâtisseurs) à Paris de 1956 à 1963. Durant sept années, il est chargé des études techniques pour la réalisation de l’équipement hospitalier de treize hôpitaux (Haute-Volta, ancienne colonie de l’Afrique Occidentale française), la construction d’un collège (Abidjan), une école d’administration (Bobo-Dioulasso), et enfin un château d’eau accompagné de sa centrale thermique (Dame-Blanche).

Mais la présence d’Olivier Marc ne se limite pas au continent africain. Ce dernier est également présent en Arctique et en Antarctique par le biais de collaborations avec l’explorateur Paul-Émile Victor en tant qu’architecte des expéditions polaires françaises en 1963. A ce titre, il construit une base polaire en Terre Adélie. Quelques années plus tard entre 1987 et 1988, il participe à la création du premier musée des pôles en France, le Musée de l’exploration polaire (Prémanon, Jura), principalement pensé par Pierre Marc. A l’ouverture du musée en 1988, est fondée l’association du Centre Paul-Émile Victor, dont font partie Pierre et Olivier Marc. A propos de ses voyages – principalement au Maghreb, en Afrique de l’Ouest et en Asie – Olivier Marc publie plusieurs articles, notamment Jardins du Japon ou la beauté dans la simplicité, dans la revue Art et architecture, n° 39, et Jardins brésiliens, dans Art et architecture également, n° 46.

Ill. 2 : ANONYME, Photographie de la base en Terre Adélie (Antarctique), Dos d’une carte postale tamponnée des Expéditions Polaires Françaises, entre 1963 et 1965.

En 1965, il est appelé par Henri Malvaux pour dispenser les cours d’Architecture et de Recherche expérimentale tridimensionnelle – comme son collègue Carlos Carnero – aux élèves de la 1ère à la 5ème année. Son passage à l’École Camondo s’avère relativement succincte, puisqu’il démissionne après trois années d’enseignement. Engagé, Olivier Marc condamne la réprobation du directeur vis-à-vis de sa participation aux événements de mai-juin 1968 : révolte menée de front avec les élèves de Camondo visant à la suppression totale de l’enseignement des styles classiques. En effet en 1968-1969, Henri Malvaux condamne ces révoltes et maintient les cours de Style dispensés par Jean Poubel. De bords politiques différents, Olivier Marc et Henri Malvaux qui s’entendaient jusqu’alors du point de vue de la pédagogie, ne parviennent pas à trouver de compromis et Olivier Marc donne sa démission en 1969, après le remplacement de son cours de recherche expérimentale par un cours d’initiation à l’architecture, perçu comme un affront . Olivier Marc poursuit sa carrière d’enseignant au Centre d’Art Expérimental, où il est titulaire de la chaire d’architecture.

Ill. 3 : Archives de l’École Camondo, Photographie d’un cours donné par Olivier Marc (3ème de gauche à droite) et Varenka Marc (4ème de gauche à droite, supposition), entre 1965 et 1969,

Ill. 4 : Archives de l’École Camondo, Photographie d’un cours donné par Olivier Marc (1er de gauche à droite) et Varenka Marc (2ème de gauche à droite, supposition), entre 1965 et 1969.

Sur le plan professionnel, l’architecte multiplie les collaborations avec sa femme Varenka Marc (1930-2017) architecte, sociologue et psychanalyste spécialiste de l’enfance. Les photographies témoignent de sa présence au cours expérimental donné à l’École Camondo. Varenka Marc participe à certains projets de construction comme la chapelle Saint-Jean Bosco, à l’allure de tente (Besançon). Ensemble, ils finissent par fonder l’agence d’architecture « Varenka et Olivier Marc », située 12 rue Saint Louis en L’île, dans le 4e arrondissement de Paris.

Ill. 5 : MARC, Olivier, MARC, Varenka, Chapelle Jean Bosco, 1968 (Photographie par Arnaud Castagne, publié dans l’Est Républicain, 2021).

Varenka amène Olivier à se former à la psychanalyse. Ce dernier intègre notamment le groupe d’études C. G. JUNG, association qui promeut et confronte la pensée de Carl Gustav Jung à travers des cycles de conférences. De 1973 à 1975, Olivier Marc intervient dans le cadre des séminaires sur la « Psychanalyse de la maison » et « La dépression ». Les titres évocateurs de ses interventions tels que « La Maison image du Moi », « Le visage de la maison » ou « Dépression et créativité » rendent compte d’une certaine mouvance des années 1970, qui tend à faire converger les disciplines, ici l’architecture et la psychologie. De nombreux ouvrages ressortent de cette association d’idées, notamment Psychanalyse de la maison, – ouvrage dont la lecture était recommandée, jusqu’au début des années 1990, parmi d’autres références jugées indispensables à la formation d’architecte d’intérieur à Camondo – ainsi que des articles comme Votre maison est votre plus grand corps paru dans la revue Corps écrit.

L’ensemble des documents cités est consultable à la bibliothèque de l’École Camondo.

Pour citer cet article : Kalbez, Manon, « Olivier Marc, de l’élève à l’enseignant : parcours d’un architecte engagé », site Recherche et Trouverche, novembre 2021.

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