Cette phrase de Marc Emery est extraite de son éditorial fameux de L’architecture d’aujourd’hui numéro 155 d’avril-mai 1971, consacré au design, alors qu’il était le rédacteur en chef de la revue.
Le numéro dans son ensemble témoigne d’une volonté de Marc Emery de s’intéresser aussi bien à la question du design qu’à celle de l’architecture, sans distinction de valeur ni hiérarchie, dans un contexte historique de remise en cause des idéologies et de déstabilisation des certitudes corporatistes.
Voici une transcription de l’éditorial signé Marc Emery qui introduisait ce numéro de L’architecture d’aujourd’hui devenu mythique pour de nombreux concepteurs de formes, architectes comme designers. Ce texte n’a pas mal vieilli, c’est le moins que l’on puisse dire :
Design, le mot à la mode.
Celui qui, après environnement, aménagement, planification, doit, par l’intégration rationnelle de technologies dévorantes, promouvoir un monde meilleur.
L’architecture et le marketing, l’esthétique et la production industrielle, la psychanalyse et le fonctionnalisme s’y marient sans pour autant modifier les anciennes pratiques.
Tout est design, mais le design n’est pas dans tout.
C’est un concept utile dans lequel chacun, suivant ses aspirations, ses besoins et ses intérêts, puise une méthode globale, une doctrine, une philosophie, une technique, une loi, un processus, voire même un art de vivre.
Comme l’objet qu’il traite, le design apparaît et disparaît.
C’est un sujet théorique, une entité qui s’abstrait et se mythifie, gardant toujours, à travers ses mutations occasionnelles, une fonction sociale à tendance humanitaire.
C’est successivement une esthétique industrielle destinée à introduire le sensible dans l’horrible quotidien, une technique pour consommateurs conditionnés, une méthode globale d’appréhension de l’espace.
Certains y voient la négation de toute « architecture » ; d’autres son renouveau.
L’architecte se veut « designer » mais le designer nie l’ « architecture ».
Tous deux cherchent par des voies similaires une maîtrise globale de l’espace.
Tous deux souffrent des mêmes confusions quant à la finalité de leur pratique et leur insertion dans une société en mutation.
L’objet qu’ils étudient a par définition son « architecture » ou son « design », mais l’architecture et le design cherchent encore leurs objets.