Synesthésie !

Au début des années soixante, Ugo La Pietra, architecte, artiste et designer italien de la mouvance radicale dirige ses productions théoriques et plastiques vers une « synesthésie des arts ».

Publié par Bertrand Ehrhart23 mars 2015

Au début des années soixante, Ugo La Pietra, architecte, artiste et designer italien de la mouvance radicale dirige ses productions théoriques et plastiques vers ce qu’il appelle une synesthésie des arts.

Le mot synesthésie, du grec sunaisthêsis « perception simultanée » est d’abord un terme médical, utilisé pour décrire certains troubles de la sensibilité, caractérisés par la perception d’une sensation supplémentaire à celle perçue normalement. Le mot est aussi utilisé en analyse littéraire pour définir une figure de style consistant à employer, pour se référer à une perception sensorielle, un mot servant habituellement à décrire une autre perception. Exemple : « Une couleur criarde ».

L’idée n’est pas fondamentalement nouvelle, puisque Paul Klee et Kandinski, par exemple – mais aussi Baudelaire et Rimbaud, bien sûr -, avaient, sans la nommer, exploité cette idée de synesthésie, sous sa forme de synopsie (1).

Plus récemment, c’est-à-dire au tout début des années cinquante, le groupe Espace, avec André Bloc, avait défendu le principe d’une synthèse des arts, préconisant une osmose entre plasticiens et architectes.

Le groupe Espace et les designers et architectes radicaux, dont La Pietra est un des théoriciens, ont en commun une prise de distance avec le rationalisme.

Mais La Pietra va plus loin, ne se contentant pas de militer pour une collaboration entre créateurs de différentes disciplines. Il a la conviction qu’un créateur doit pouvoir s’exprimer à l’aide de n’importe quel medium, traverser toutes les disciplines formelles; loin d’une intégration des arts, il cherche à transposer des formes de langage dans d’autres, à appliquer des méthodes propres aux architectes à des productions artistiques, réciproquement, etc.

Cette conception est symptomatique du système éducatif de l’Italie des années 60, 70 et 80, dont les étudiants se voyaient formés simultanément aux arts plastiques, à l’architecture et au design.

La production de périodiques italiens de design et d’architecture est un reflet encore aujourd’hui de cette production transversale.

Et Ugo La Pietra, qui lui-même a participé à de nombreux projets éditoriaux de périodiques, propose une définition du design, devenue célèbre – Dal cucchiaio alla città, que l’on peut traduire par : De la petite cuiller à la ville -, dans la revue Domus numéro 643, octobre 1983.
Il fait exploser alors les frontières entre disciplines, mais aussi les frontières culturelles et historiques de la perception de l’environnement, de l’objet de consommation, de la maison, etc.

Précisons que son article se termine pas l’hypothèse de la disparition du design, à supposer que le design ait jamais existé en tant que discipline : (…) Guardando questo processo appare evidente che il design non esiste come disciplina, forse non lo è mai stata ! (…)

PIETRA

Ci-dessus l’illustration de La pietra pour son article paru dans Domus 643, octobre 1983

(1)Synopsie: synesthésie dans laquelle un sujet perçoit un son comme étant d’une couleur déterminée
Définitions de synesthésie et synopsie reprises du Nouveau Petit Robert de la langue française 2010

Site d’Ugo La Pietra: http://www.ugolapietra.com

Ouvrages consacrés à La Pietra disponibles à la bibliothèque de l’école Camondo
Voir aussi les pages qui lui sont consacrées sur le site du frac-centre

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