Le titre traduit est amusant aussi : « The super-cocotte and the mère Denis », qui nous fait croire que finalement, on n’est pas mauvais en anglais.
La revue Artefact. Techniques, histoire et sciences humaines propose 2 numéros thématiques par an, en ligne et en accès libre, toujours susceptibles d’intéresser designers et architectes. Les thèmes sont transversaux, par exemple le numéro 11, juin 2019, Pannes et accidents, revient sur l’histoire des techniques, du point de vue des ratés, qui n’empêchent pas le progrès. Autre exemple, le numéro 5, juin 2016, Musées éphémères, musées imaginaires, musées perdus, nourrit la culture historique et conceptuelle des muséographes et autres scénographes.
Voir la veille thématique Scénographie(s), sélection d’ouvrages et autres recommandations du Centre de documentation pour la recherche en architecture intérieure et design – école Camondo.
Dans le dernier numéro paru, l’article La super-cocotte et la mère Denis, signé Aurélie Brayet, a retenu notre attention, par l’angle choisi pour analyser des objets de l’électroménager courant de nos sociétés occidentales : le récit – et d’ailleurs, plutôt – les récits de « l’innovation ».
On avait déjà évoqué ici la mythique cocotte-minute Seb et ses campagnes de pub tellement sexistes qu’on a aujourd’hui toutes les peines du monde à croire qu’elles aient pu avoir la moindre efficacité tant elles humilient les femmes françaises, forcément mariées, forcément mères de famille et bonnes cuisinières – à conditions d’investir dans l’ustensile ménager, monsieur, pour la fête des mères -, des années 1950 et 1960.
Grâce à Aurélie Brayet, nous est rappelée l’importance du Salon des Arts Ménagers dans l’histoire du design en France, et le parcours de son fondateur, Jules-Louis Breton (1872-1940), qui créa ce salon intitulé d’abord « Salon des appareils ménagers ».
Cette évolution sémantique dit bien la montée en puissance et en image qualitative du design industriel, élevé au rang des beaux-arts.
Jules-Louis Breton était aussi inventeur, et a dirigé l’Office national des recherches scientifiques industrielles et des inventions (ONRSI), de sa création en 1922, jusqu’en 1938. L’ONRSI mutera plus tard en… CNRS ! nous dit l’auteur. Lorsqu’on sait que le Salon des arts ménagers se donnait pour mission, notamment, de donner une vision appliquée de la technique, on n’est pas loin d’oser le raccourci en affirmant que d’un salon du presse-purée, on a fait un centre national de la recherche scientifique ! Marrant.
L’article, qui prend place dans un numéro thématique sur l’innovation, rappelle la définition du mot, donnée par Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues : « Innovation. Toujours dangereuse ».
Enfin, l’évocation de la mère Denis n’est pas le moindre intérêt de l’article, lorsqu’il est rappelé son parcours : garde-barrière sur la ligne Carentan-Carteret, veuve et sans ressource en 1944, elle devient lavandière, et, nous sommes ici en mesure d’ajouter un scoop que nous croyons inédit : elle sera, avant de devenir une Vedette (qu’est-ce qu’on rigole), femme de ménage de l’école primaire de Saint-Hymer, dans le Calvados, dont le directeur et instituteur de la classe unique s’appelait Henri Ehrhart.
Lisez « La super-cocotte et la mère Denis », ça vous fera du bien de lire un petit peu, ça c’est sûr. Joyeux bon été, rdv à la rentrée, septembre 2022.