En septembre 2004, Valérie de Calignon, ancienne élève de l’Ecole Camondo, présentait Architecture intérieure, Généalogie et approche transhistorique, DEA d’histoire de l’architecture moderne et contemporaine, dirigé par Dominique Rouillard, Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne.
Ce DEA a d’abord le mérite d’exister et constitue à notre connaissance la première recherche spécifique de ce niveau en Architecture intérieure. Une bibliographie l’accompagne qui là aussi possède les qualités de sa spécificité. Espérons que cette recherche soit un jour suivie d’une thèse, le Schmilblick (l’architecture intérieure) en a besoin.
Le texte du DEA s’oriente tout d’abord vers une revue de l’étymologie des termes Intérieure et Intériorité, et de la notion d’Habiter comme acte d’appropriation d’un environnement. L’exemple des habitats nomades prouve que la pérennité des espaces est assurée d’abord par les intérieurs. Bruno Zévi est cité: (…) Le point fondamental est que tout ce qui ne possède pas d’espace interne n’est pas de l’architecture.
Proposition de définition de l’architecture intérieure par Valérie de Calignon : L’art de créer et de distribuer des volumes intérieurs, en relation avec l’architecture qui les abrite et l’identité de l’institution ou de la personne qui les habite ; et d’y apporter les conditions symboliques, esthétiques, fonctionnelles et techniques nécessaires à l’usage que l’on souhaite en faire.
Suit une analyse de la place de l’intérieur dans l’histoire de l’architecture, à partir de textes emblématiques. Sont convoqués pour le XVIe siècle Alberti, Serlio, Vignole, De L’Orme, Palladio, Perrault, où des règles de proportions décident des volumes intérieurs, où le rang social de l’usager décide de la présence ou non d’un vestibule et d’ornements, et où les ordres décident de l’apparence des parois intérieures.
Pour le XVIIe siècle Le Muet et sa Manière de bien bastir etc. ; pour le XVIIIe siècle Blondel qui s’attache à une parfaite concordance entre le dedans et le dehors, exigeant du moindre détail -un meuble par exemple- sa concordance avec le tout. Mais, pour les intérieurs, il est tiraillé entre respect de la règle et nécessité d’usage.
Pour le XIXe siècle Ruskin, Percier et Fontaine, le mouvement Arts & Crafts, Viollet-le-Duc et son De la décoration appliquée aux édifices, et pour le XXe siècle, Loos et son Raumplan, et l’intitulé de son cours : « La construction en partant de l’intérieur pour aller vers l’extérieur », Rietveld l’architecte décorateur et son concept d’habitabilité, l’UAM et Formes Utiles.
Est montré ensuite qu’historiquement les activités des artistes, architectes, décorateurs, ornemanistes, menuisiers et autres tapissiers ne sont pas exclusives les unes des autres.
L’émergence du métier d’architecte d’intérieur est évoquée, avec Elsie de Wolfe aux Etats-Unis, Syrie Maugham et Sybil Colefax en Angleterre, au début du XXe siècle. En France, la revendication d’un nouveau métier apparaît en 1925 lors de l’exposition des arts décoratifs.
Calignon examine l’historique des institutions, de l’UCAD au CFAI en passant par l’UAM, et leur quête commune d’une reconnaissance publique du métier par un titre, et développe la question de l’enseignement, des diplômes et autres textes de loi officialisant qualifications et compétences.
La dernière partie s’intitule Approche transhistorique, où sont convoqués Loos et ses cafés viennois, et Rietveld et la villa Schroeder, comparés à l’aide de 3 catégories proposées pour décrire les liens possibles entre intérieurs et extérieurs : DECOR / SUR-MESURE / COMPOSANT.
Le décor consiste en un recouvrement des surfaces pour une modification des perceptions, allant aujourd’hui jusqu’à la modification acoustique. Chaque objet trouve sa place dans une composition d’ensemble réglée.
Le sur-mesure signifie créer la volumétrie de l’espace en l’ajustant aux usages.
Le composant signifie qualifier esthétiquement, affectivement et techniquement l’espace intérieur, qui décide d’une architecture a posteriori.
La conclusion propose 2 notions majeures et récurrentes : L’UNITE comme cohérence, harmonie, projet global, et la VITALITE pour dire que l’intérieur échappe partiellement à l’emprise théorique puisqu’il est d’abord le lieu où la vie s’exprime (nécessités d’usage, irruption constante du désordre organique), et suppose que la notion de composant a gagné du terrain sur le décor et le sur-mesure, désignant potentiellement les designers comme les décorateurs-ensembliers du XXIe siècle.
Voir la Bibliographie Architecture intérieure proposée par la bibliothèque de l’Ecole Camondo