Nicolas Pottier, Secrétaire de la Conférence des avocats au barreau de Paris, signe, dans Libération du 30 septembre 2013, un article intitulé L’injuste erreur du menuisier. Dans cet article apparaît le terme d’Architecture intérieure, et cela est si rare dans la presse quotidienne nationale que ce simple fait méritait d’être signalé.
Le titre de l’article fait référence à un bon mot partagé entre avocats :
Vincent de Moro-Giaffredi, avocat de Landru, Caillaud, et autres grandes affaires criminelles, est l’auteur de l’interpellation suivante : « Monsieur l’avocat général, je vous prie de ne point oublier que si, dans cette enceinte, vous vous trouvez assis à votre siège de Ministère Public, à même hauteur que Monsieur le Président en son fauteuil, vous ne le devez qu’à une erreur de menuisier ».
Cette saillie préfigurait un débat plus contemporain, au Sénat, le 16 avril 1997, où fut rejeté un amendement visant à engager des travaux dans les Tribunaux pour faire redescendre le Parquet à la hauteur du Barreau pour restaurer l’égalité des parties ; l’amendement sera rejeté.
Le débat reprend via la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 4 avril 2001 où la 11e Chambre a considéré, suite à une plainte, que ce déséquilibre physique n’était pas suffisant pour obliger à réaménager l’ensemble des salles d’audience des Palais de Justice de France.
C’eut pourtant été de bon augure contre la crise du bâtiment mais une réhabilitation de l’ensemble des lieux où se rend la justice est un rêve d’architecte d’intérieur.
Pourtant, des arguments existent pour ces transformations :
Le Ministère public désignant le magistrat qui à l’audience représente la société est appelé couramment Parquet, ou anciennement Magistrature debout, car à l’origine (1) le magistrat prononçait ses réquisitions debout sur le parquet, tandis que les juges restaient assis, que l’on désignait sous le nom de Magistrature assise, ou juges du siège.
L’architecture intérieure des salles d’audience a évolué vers une position symboliquement mais bien concrètement surélevée du magistrat, comme en témoigne la gravure de Daumier ci-dessus, raison pour laquelle les avocats parlent d’erreur du menuisier, et regrettent que l’architecture intérieure des salles d’audience ne respecte pas, de fait, l’article préliminaire du code de procédure pénale et l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’homme, qui recommandent l’égalité de traitement entre défense et partie civile.
Si l’histoire de l’architecture des palais de justice est assez bien documentée (2), reste peut-être à bâtir une histoire de l’architecture intérieure des lieux de justice, et aux architectes d’intérieur voire aux designers à s’emparer des programmes de Parquets, Chambres, Assises et autres Sièges.
(1)-Il s’agit d’un abus de langage ou peut-être d’une mauvaise interprétation du terme Parquet par les avocats suiveurs de Moro-Giaffredi, puisque le mot vient du Parc, petit enclos qui délimitait, au Moyen-âge, les tribunaux de plein air. On peut se demander si la revendication de la défense, par conséquent, et bien que légitime, n’est pas le fruit d’un malentendu etymologique.
(2)-Voir La justice en ses temples, ouvrage collectif, coédition Brissaud-Errance, 1992, et le numéro 265, mai 1995, de Architecture intérieure créé : Construire pour la justice, pp. 42-145