Image en Une Honoré Daumier, Médisances de concierge (type parisien), lithographie, 1860
A l’occasion d’une recherche iconographique sur les internets, pour illustrer les prochaines bafouilles La concierge est dans l’escalier, on tombe sur l’article Concierge: la difficile (recon)naissance de la femme, en ligne, sur Cairn.
Pour une histoire du métier, puisqu’il s’agit, avec la dimension genrée de l’article, d’une contribution à l’histoire d’une catégorie professionnelle, l’auteure convoque plusieurs sources qui nous réjouissent:
- « Le Dictionnaire des idées reçues » de Flaubert
- « Le cousin Pons » d’Honoré de Balzac
- « Les mystères de Paris » d’Eugène Sue
- L’Anti-Concierge, organe officiel de la défense des locataires, de l’excellent journaliste et chansonnier Jules Jouy, qu’on connaît notamment pour ses textes antimilitaristes et féministes
- « Là-bas », de Joris-Karl Huysmans
- « L’élégance du hérisson » de Muriel Barbery, roman adapté au cinéma, en 2009: « Le hérisson » de Mona Achache avec Josiane Balasko
Flaubert d’abord, qui divise l’humanité en deux catégories, non pas hommes et femmes comme on pourrait s’y attendre, mais entre locataires et propriétaires.
Pierre Larousse fait remonter le métier à la Conciergerie créée par Hugues Capet, toute une histoire statutaire se décline ensuite au cours des siècles.
Jules Jouy lance une salve qui témoigne de l’extrême impopularité des concierges au XIXe siècle, dans le premier numéro, en 1881, de sa revue L’anti-concierge: Essuyez vos pieds, SVP. Quand ils sont bien sales, sur la tête de votre concierge.
Cette hostilité à l’égard de la concierge est à placer dans le contexte d’un militantisme anarchiste de combat contre la propriété, que le statut de concierge, alors, symbolise, puisque le portier ou la concierge représente et agit au nom du propriétaire, s’arrogeant un pouvoir parfois effrayant pour le simple locataire, qu’il ait des difficultés de fins de mois, ou qu’il ait une réputation, mauvaise ou bonne, mais entretenue par la pipelette.
Les noms et surnoms des concierges participent de leur histoire: on vient de citer le terme de pipelette, et, avec le développement rapide des immeubles de rapport, on appelle aussi celle qui devient indispensable à la vie de l’immeuble la portière.
Le succès des romans de Balzac publiés en feuilleton rend célèbre la Cibot, concierge du cousin Pons.
L’auteure parle de femme-objet, en ce que la concierge, en raison même de sa fonction, qu’elle exerce 24 heures sur 24, il faut le rappeler, se comporte comme une prothèse de la porte d’entrée
S’ajoute à cela une misogynie largement partagée, qui associe souvent à la concierge les pires clichés qu’on attribue aux femmes, comme, par exemple, l’idée qu’elles sont, c’est bien connu, forcément, bavardes.
C’est ainsi qu’un des chapitres du Cousin Pons s’intitule « Ragots et politique des vieilles portières », et que le patronyme de la concierge d’Eugène Sue, madame Pipelet, passe dans le langage courant comme synonyme de « bavard ».
Par surcroit, la concierge est toujours décrite, par Balzac, Sue, Daumier, Rembrandt… âgée, de préférence, et laide, c’est mieux, en tout cas jamais objet de désir.
Malgré les moqueries et attaques dont elle fait l’objet, la concierge est nécessaire aux bons standing et fonctionnement de l’immeuble, durant tout le XIXe siècle et, longtemps, au XXe siècle, jusqu’à ce qu’on la remplace par un portier électronique.
Rendez-vous nombreuses et nombreux dans la loge du rez-de-chaussée de l’école Camondo, au 266 boulevard Raspail Paris 14, la concierge, si elle n’est pas dans l’escalier, vous y accueille du lundi au vendredi, aux horaires de bureau.
