L’architecture intérieure ça se chante #003

On part d’une sentence abrupte, comme toutes les sentences: L’architecture intérieure est à l’architecture ce que la chanson est à la grande musique, prétexte à une nouvelle série produite par le rez-de-chaussée du 266 boulevard Raspail de la bibliothèque de l’école Camondo (tatata…): «L’architecture intérieure ça se chante».

Publié par Bertrand Ehrhart24 octobre 2022

Au fond du couloir, où les Rita Mitsouko font de l’architecture intérieure. Visite guidée par un agent immobilier inquiétant.

Système D, le 4ème album des Rita Mitsouko, sorti en 1993, est parfois moins apprécié des amateurs de rock’n roll que les 3 premiers albums, en raison de choix d’arrangements plus sophistiqués.

Dans système D, 2 chansons au thème architectural semblent se répondre : la reprise de Gainsbourg Hôtel particulier apparaît comme la suite du premier titre de l’album, Au fond du couloir.

Avec la retranscription des paroles, expurgées des répétitions, ci-dessous, on comprend que la chanson propose une visite d’immeuble, à la 2e personne du pluriel, comme une invitation incantatoire à entrer, on ne sait pas bien où, lorsque les seuls indices consistent en un, puis en un deuxième escalier, des paliers, des couloirs au sol glissant, des portes, un extincteur, et un tuyau qu’on imagine d’arrivée ou d’évacuation d’eau :

Approchez, laissez-vous tenter, venez, entrez, avancez, ça y est vous êtes entré, vous y êtes. Prenez l’escalier, montez ces quelques marches, jusqu’au troisième palier, et engagez-vous dans le couloir de droite, la deuxième porte à gauche. Continuez sans vous arrêter si ça dérape. Là, l’ascenseur, à côté de l’extincteur, tournez-lui le dos, passez le long du tuyau, vous allez bientôt arriver. Au fond du couloir, à droite comme c’est indiqué, prenez l’escalier, montez ces marches, tournez à gauche, vous allez bientôt parvenir où vous aviez rêvé de venir.

Si l’on essayait de dessiner le plan du trajet, ou mieux, la perspective de l’espace parcouru, on arriverait sans doute à quelque chose du genre de l’un des escaliers d’Escher (image en Une).

Le chant de Catherine Ringer, allié au scénario du parcours labyrinthique, a quelque chose de désespérant, lorsque les derniers mots « Vous allez bientôt parvenir où vous rêviez de venir » débouche au choix sur un cul-de-sac ou sur rien, puisque la chanson s’arrête là, l’escalier et les couloirs aussi, qui donnent peut-être sur une porte ouverte sur le néant.

Architectes, soyez humbles dans vos ambitions verticales, ou plus dure sera la chute.

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