Parmi les nouveautés à la bibliothèque, un essai sur le sens et la valeur du travail. L’auteur, nous dit-on en 4e de couverture, (…) était un brillant universitaire, bien payé pour travailler dans un think tank à Washington. Au bout de quelques mois, déprimé, il démissionne pour ouvrir un atelier de réparation de motos.
Cet ouvrage est le témoignage de cette reconversion, mais aussi un plaidoyer en faveur du travail manuel, et une critique des visions optimistes qui conçoivent l’avenir du travail sous la forme radieuse de la société de la connaissance.
L’auteur s’appuie sur la nécessité de l’expérience, la confrontation avec le réel, le rapport physique avec les choses. Les objectifs intermédiaires inventés par les managers, devenus objectifs finaux, ont créé un niveau de réalité qui rend l’exercice du travail insensé.
Le manageriat, qui sépare le faire et le penser dans l’acte de travail, porterait la responsabilité de ce malaise et de cette perte, en dévalorisant non seulement l’acte de travail lui-même, mais singulièrement le travail manuel, en laissant penser qu’il pouvait être vidé de sa dimension intellectuelle. Le système de production industriel et capitaliste, allié aux nouvelles formes de management et aux nouvelles technologies de l’information, engendre cette incapacité fondamentale des producteurs à savoir ce qu’ils sont en train de produire.
Dès lors que le travail perd sa raison d’être (produire ou participer à la production de quelque chose), il ne génère plus de désir, il aliène, aurait ajouté Marx.
Crawford, dans un aspect qui peut sembler réactionnaire, critique la société de la connaissance en général, qui pousse ses élites à poursuivre des études le plus longtemps possible, montrant qu’ils seraient ainsi déconnectés du réel. Dans le même temps, il pose la question de revenir à des organisations sociales aux échelles plus humaines.
Cet ouvrage fait écho à l’actualité politique et économique bien sûr, mais également à l’éternelle controverse entre designers-concepteurs et artisans-exécutants, en tordant le cou cependant au complexe du travailleur manuel, réhabilité ici.
Disponible à la bibliothèque de l’école Camondo : Eloge du carburateur, essai sur le sens et la valeur du travail, Matthew B. Crawford, Paris, La découverte, 2016